RIEN NE S’OPPOSE A LA NUIT

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J’étais extrêmement réticente à lire le dernier livre de Delphine de Vigan car le sujet me semblait douloureux. Cependant, j’ai lu une critique sur le site Mediapart (que je vais partager avec vous ci-dessous) qui m’a convaincue de le lire.
Dans ce récit, l’auteur se concentre sur la vie et la personnalité de sa mère Lucile qui était une belle femme bipolaire et qui a vécu une histoire d’amour effrénée avec sa vie, avant de se suicider.
Le roman s’ouvre sur la mort de la mère de l’auteur qui, dès lors, va tenter de comprendre la raison pour laquelle cette mère, toujours distante, éblouissante, emblématique et symbole de sa famille, a décidé de mettre fin à sa vie.
Elle entame une longue étude auprès des membres de sa famille pour découvrir la psyché intérieure de sa mère. Puis, elle esquisse son portrait et parvient à le livrer de manière brutale.
Elle nous parle de cette maladie ainsi que de la bi-polarité que nous ne reconnaissons pas et des effets qu’elle peut avoir sur les personnes qui nous entourent. L’écriture est extrêmement complexe, et le style est sans faille. Le livre est un testament sur les conséquences du silence, les secrets des membres d’une famille qui peuvent causer des dommages irréparables.

Ce livre m’a profondément touché. J’ai pu ressentir l’intimité de l’auteur, et certains passages ont été extrêmement difficiles à lire. Au-delà des troubles familiaux, Delphine de Vigan rend un hommage bouleversant à sa mère.
Ce livre m’a énormément émue et je sais que je ne suis pas en mesure d’en parler, mais je le recommande vivement et j’encourage les lecteurs à consulter l’article de Mediapart qui en parle plus clairement que moi.
Article de Mediapart :
Trop beau Elégant, trop beau On le pense aussi dans les toutes premières pages de Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine De Vigan.
Peut-être trop respectueux ? C’est le récit de la mort de sa mère, il n’y a pas si longtemps. Le récit est autobiographique. Dès le début, Delphine De Vigan hésite et l’écrit. Elle décrit les nombreux obstacles lorsqu’elle écrit sur Lucile. Cette famille – qui est grande – a connu des traumatismes, des fragilités et des colères, autant d’éléments qui pourraient être déclenchés par l’écriture sur des personnes réelles et intimes. Elle appelle Lionel Duroy ou Christine Angot Les familles n’aiment pas la publicité et elle en a peur, elle avance avec prudence. Est-ce qu’on décide de ce qu’on écrit ?
Elle fait référence à son précédent roman Les heures souterraines le livre avec un aigle et une note de douleur et le quotidien (une femme harcelée moralement au travail ainsi qu’un médecin qui survole la ville, et deux solitudes) et on découvre qu’elle a écrit ce livre parce qu’elle a été obligée de s’accrocher et de continuer à avancer après la mort de Lucile : c’est traversé et porté.
Est-ce que la page 12 20, 30, ou même 12 ? Il y a un moment où l’on regarde la couverture du livre et où l’on est soudain convaincu qu’il s’agit d’une image « réelle ». Il y a un moment où l’on se dit que c’est peut-être le livre qui démêle une réalité inatteignable et qui tombe sur un récit organisé ?
La famille compte un bon nombre d’excentriques comme on disait autrefois, beaucoup de morts. La famille est assez riche pour avoir des maisons qui sont des maisons, des appartements qui sont continuellement occupés, et comprend éventuellement un criminel sympathique. L’enfant grandit entre le neuvième arrondissement et Versailles, puis on va à la Grande Motte et on se découvre situé dans l’Yonne. La grand-mère Liane vient d’une autre époque. Elle a pris le risque de faire une grande rupture à 75 ans, et a déclaré dès le début qu’elle souhaitait avoir beaucoup d’enfants dans sa vie, et a été bénie par eux. Clé de voûte matriarcale, elle est aussi l’épouse d’un célibataire aveugle si nécessaire.
Les problèmes et les failles cachés sont révélés. Les membres de la famille qui ont une image spectaculaire peuvent être les champions du silence. Le livre bascule également dans la lecture lorsque les deux filles de Lucile, ainsi que l’auteur, parlent, utilisant plus souvent le « je » ou le « nous ». C’est à travers les yeux de la seconde que Lucile devient soudain réelle, indépendamment de la fermeté et de la précision des enregistrements de l’enquête familiale, des heures de réunion, du visionnage de vieux films ou des lettres.
C’est une fille magnifique, une jeune mère qui marche, vêtue de robes courtes et de chaussures à talons hauts, le long de l’allée asphaltée d’un lotissement de banlieue jusqu’à une maison où des matelas posés à même le sol font des bancs pour les gens qui passent. Les enfants la regardent tous, car elle est différente des autres mères.
C’est une personne qui tire sur les joints (quand elle rentre du travail, elle travaille, sans aucun plaisir ni enthousiasme, simplement parce qu’elle doit le faire) et qui s’empresse ensuite d’être une bonne-mauvaise mère et d’alerter la DDASS extrêmement vivante. Très vite, elle a été psychiatrisée. Puis, l’alcoolisme, et enfin les deux. Une femme peu sûre d’elle, constamment surveillée par ses filles.
Bipolaire, écrit Delphine deVigan. Le diagnostic est posé à la suite d’une scène horrible, qui est suivie d’autres scènes traumatisantes et ce ne sont pas des scènes, mais plutôt ces épisodes intitulés à juste titre « bouffées de délires ». Delphine de Vigan nous a cherché, comme nous cherchons ceux que nous aimons, pour découvrir les raisons, les causes constantes, allant du traumatisme à l’héritage génétique, ou les deux. Quand nous nous cherchons nous-mêmes. Peut-être, si les mots de Lucile, écrits et diffusés à tous les membres de la famille et à toute la famille, étaient entendus (ils l’ont été en fait ; cependant, ils ont été suivis d’une discorde générale et obstinée), peut-être ? Nous ne le savons pas, car les transmissions sont si compliquées. (Mais après cela, le livre nous a fait gagner en amour et en abjection à la manière de Salinger. ).

D
La jeune femme, qui vit devant le Palais et lit Blanchot, va se transformer en un être muet, pas très désagréable, mais défoncé. Une grande spectatrice pour Dallas dont les crédits lui apportent des sourires de joie.
Alors Lucile revivra, mais difficilement et pas comme les autres qui se déplacent dans un état d’étourderie et portent l’insolence aussi. Retournera à l’école et aura un travail, une tâche pour aider les autres, et pour rencontrer quelques personnes – amis psys, collaborateurs, et ses filles, naturellement elle pourra se reconstruire à partir des décombres.
Il ne s’agit pas de gâcher la lecture en relatant ceci comme une seule chose – il y a beaucoup d’autres choses à trouver dans ce livre, mais finalement c’est dans le flux du texte que tout est présent comme des lieux communs, elle ne s’en soucie pas, elle écrit comme elle le sent et l’écriture n’est pas stylistique. Ici, l’auteur reconnaît la vérité et fait ensuite de son mieux pour la trouver, attentive aux paroles, aux moments de rien, aux phrases arrachées de Lucile sur le papier. Elle construit sur les décombres, et ce n’est pas l’exceptionnel de la folie, de la vie avec la folie qui nous reste, mais plutôt l’absurdité merveilleuse et intime de l’ensemble.
Une mère qui s’est suicidée laisse un vide obscur, une énergie et un vide qui ne peuvent être comblés, c’est une question suspendue à jamais, une malédiction comme un ciel menaçant. En suivant le combat de Lucile, en révélant ce gâchis, Delphine de Vigan a su capter l’énergie et plonger dans l’obscurité.

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